PRÉSENTATION DU LIVRE

⌧ CARACTÉRISTIQUES ⌧ |
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● Titre : Juke Vox |
● Autrice : Pascale PERRIER |
● Éditeur : Scrineo |
● Parution : 28 Avril 2022 |
● Pagination : 208 |
● Prix : 16,90 € |
★ Young Adult ★ |
« Cassandra et Laly sont « les meilleures cousines ». Depuis un an, elles préparent leur grande aventure, au nom de code Juke Vox, pour fêter la fin du lycée. Une randonnée musicale, juste toutes les deux, pour promener leur voix et leur guitare de village en village sur les routes de France.
Mais un événement traumatisant vient bouleverser tous leurs plans : Cassandra est victime d’un viol pendant les épreuves du bac. Malgré tout, hors de question pour elles d’annuler leur voyage : c’est décidé, elles partent quand même !
Au fil des kilomètres, entre soleil et orages, rencontres et moments de partage, les deux jeunes filles vont apprendre à porter ce drame sur leurs épaules – en plus de leur sac à dos…
Chacune d’entre elle l’apprivoisera à sa manière. »
EXTRAIT

CHRONIQUE
D’entrée, il flotte un doux parfum de Provence lorsque l’on entame cette lecture. Les cigales, la chaleur, le bistrot du coin tenu par et pour une population vieillissante, les repas familiaux dans le jardin… Le rythme effréné que l’on maintient au quotidien ralentit, pas de doute possible : les vacances sont là ! Les épreuves du baccalauréat derrière elle, Laly navigue entre deux incertitudes : sortira-t-elle de la liste d’attente de son école d’éducatrice spécialisée avant la rentrée ? Et ses plans pour l’été sont-ils toujours d’actualité, étant donné les circonstances ? Car Laly avait prévu un road trip musical en compagnie de sa cousine Cassandra. Un lutin proposant un impressionnant panel de quatre-vingt chansons, une voix, une guitare, deux sacs à dos… un juke-box humain et nomade… un juke-vox ! Seulement voilà, la veille des oraux, Cassandra a été violée dans le train qui la ramenait chez elle en région parisienne, et depuis, c’est le silence radio.
Avec deux cents pages à son actif, ce roman se lit rapidement, mais ne va pas moins au bout des choses. Il s’en dégage une réelle profondeur, tant dans la construction de ses deux jeunes protagonistes que dans sa façon de traiter le thème choisi : à savoir les violences faites aux femmes.
À peine majeures, Laly et Cassandra doivent commencer par convaincre leurs parents. Après ce brusque rappel à la réalité de notre monde, ceux-ci redoutent de voir leurs filles s’exposer à pire encore en menant une vie de bohème sur les routes de France, armées de leurs seules chaussures de randonnée. Une opposition d’autant plus difficile à accepter que tous s’évertuent à ne pas prononcer le mot en V. À l’arrivée de sa cousine, Laly peine à se positionner : doit-elle comme les adultes faire comme si de rien n’était, ou au contraire la pousser à se confier ? Elle se montre parfois un peu égoïste, car le Juke Vox lui tient vraiment à cœur et elle a peur que tous leurs projets ne tombent à l’eau à cause de ce que sa cousine a enduré. En route, il lui faudra composer avec les humeurs de Cassandra, qui oscille entre repli sur soi et conduite à risque, mensonges et quatre vérités. Elle ne sait plus où elle en est, et Laly se perd elle aussi dans les méandres de son esprit. Au fil de leurs rencontres, bonnes ou mauvaises, Laly et Cassandra vont devoir s’affronter entre elles, mais aussi se confronter à leurs propres failles pour ranimer la flamme de leur passion musicale commune. Les nuits à la belle étoile, le manque d’argent, la chaleur, les orages, les ampoules aux pieds, le public réceptif… ou pas, Pascale Perrier ne leur épargne rien et cela donne d’autant plus de crédibilité à son récit. Il y a le rêve qu’on s’était imaginé d’un côté, et la réalité de l’autre. Livrées à elles-mêmes, les deux jeunes filles vont devoir se battre pour trouver leur équilibre entre ces deux concepts si elles veulent préserver leur amitié.
Comme mentionné ci-dessus, l’autrice traite le sujet du viol avec justesse et sensibilité. Elle démontre bien qu’au cœur d’un tel drame, il y a la victime, bien entendu, mais aussi tout son entourage qui s’en retrouve affecté. Comment aider l’être cher à se reconstruire ? Comment aborder l’horreur sans brusquer ? Comment compatir sans blesser ? Pascale Perrier souligne l’importance d’une communication intelligente : il ne s’agit pas d’y aller en force ni de tout nier en bloc. Il faut rester à l’écoute de l’autre, et oui, parfois taire un temps ses propres interrogations. Laly et Cassandra ne sont pas parfaites, elles commettent des erreurs et ont par moment des attitudes un peu équivoques. En un mot, elles sont comme vous et moi, ce qui les rend d’office attachantes. Bien qu’il ait été simplifié de par le nombre de pages limité et le public visé, le parcours du combattant que doivent suivre les victimes de viol est ici clairement évoqué. Un parcours qui passe par une remise en question, héritée d’une société patriarcale où les femmes l’ont « peut-être bien cherché » en fonction de leur tenue vestimentaire, de leur comportement envers les hommes ou du vocabulaire employé, et où les témoins souvent regardent ailleurs pour ne pas devoir intervenir. Par les poursuites judiciaires, chronophages, épuisantes, qui imposent de revivre les faits plusieurs fois. Il y a un avant et un après, avec au milieu une période floue où Laly va devoir réapprendre à aimer son corps, et aussi en chemin, redéfinir qui elle est et ce qu’elle veut à l’avenir.
Un titre engagé, qui parle à chacun avec simplicité et authenticité. Des tranches de vie qui font tour à tour sourire ou nous tordent le cœur. Une plume qui va droit à l’essentiel sans omettre l’humain. Et un road trip en compagnie de deux cousines qui ont du courage et du talent à revendre !
