Hiraeth, la fin du voyage – Tome 1

MANGA ★ SEINEN

⌧ CARACTÉRISTIQUES ⌧
FR : Hiraeth, La Fin du Voyage T1
VO : ヒラエスは旅路の果て
Rōmaji : Hiraeth wa Tabiji no Hate
Mangaka : Yuhki KAMATANI
Éditeur : Akata
Parution : 22 Septembre 2022
Pagination : 182
Prix : 8,05 €

« Mika, ne supportant pas la mort d’une de ses proches, s’apprête à se jeter sous un camion pour anéantir sa peine… Mais elle est sauvée in extremis par un énigmatique jeune homme qui s’avère en réalité être un zombie. La lycéenne va alors s’embarquer dans un mystérieux voyage aux côtés de son sauveur, mais aussi d’un étrange individu qui prétend être une divinité. Les voilà partis sur la route, à trois, pour se rendre au pays des morts… Au fil de son voyage et de ses rencontres insolites, Mika retrouvera-t-elle goût à la vie ? A moins que son véritable souhait ne soit tout autre… »

BANDE-ANNONCE

CHRONIQUE

Le début est abrupt : férue d’athlétisme, Mika se positionne au bord de la chaussée comme dans des starting-blocks, puis s’élance droit sous les roues d’un camion, la mine radieuse. « Je cours assez vite pour laisser mon corps loin derrière, alors attends-moi… Je vais mourir tout de suite ! ». Son suicide en reste heureusement au stade de la tentative grâce à l’intervention de deux mystérieux personnages : Hibino, un grand brun doté de pouvoirs de guérison incroyables qui le préservent également de la vieillesse, et un garçon d’apparence plus juvénile, aux cheveux clairs, qui prétend être un dieu.

Si le pitch m’avait fortement intriguée, je me suis vite sentie perplexe face aux premiers chapitres. Mika se veut ravagée par la mort de sa meilleure amie, mais adopte un comportement léger et dynamique. Elle est capable de courir derrière une moto sur des kilomètres sous le simple prétexte d’être une adolescente. J’ai trouvé la narration hachée, les différentes bulles manquant de liant entre elles, et donnant ainsi l’impression d’assister à un sketch à la mise en scène maladroite plutôt que de lire un manga sur des thèmes aussi lourds que le deuil et le suicide.

Heureusement, au fil des pages, le style gagne en maturité. Les trois personnages se découvrent un point commun : tous en appellent à la mort. Bientôt oublié des ultimes humains à croire encore en lui, notre divinité se lance dans un road-trip pour adresser ses adieux à d’anciennes connaissances avant de se rendre en Yomi, le pays des morts, où il s’effacera à tout jamais. Entendant cela, Mika se met en tête de l’accompagner dans son périple pour y revoir une dernière fois son amie décédée, et ensuite se donner la mort afin de la rejoindre. Quant à Hibino, isolé de par sa condition, condamné à sans cesse perdre les gens auxquels il s’attache, il aimerait trouver un remède à ce pouvoir qui l’empêche de vivre une existence normale, en vieillissant comme tout un chacun.

Yuhki Kamatani nous emmène ainsi à la découverte du Japon d’hier et d’aujourd’hui, nous fait visiter différents sites touristiques où le dieu insiste pour faire halte. Mine de rien, il pousse Mika à considérer le monde sous un autre angle, en partageant par exemple avec elle ce regard divin qui lui permet de visualiser les chemins de l’au-delà. Un don qui lui apprend qu’une personne est sur le point de mourir, sans toutefois savoir exactement quand. Au contact de ces rencontres fortuites, le masque de Mika va s’effriter pour laisser paraître l’immensité de sa souffrance, tapie derrière cette insouciance qui n’était finalement que feinte. Elle se dévoile petit à petit à travers des flashbacks ou l’envoi d’une carte postale à sa famille, que l’on devine rongée d’inquiétude dans de pareilles conditions. Figée dans ce deuil qu’elle est incapable de gérer, comme en témoigne souvent de manière très subtile l’apparition de liserons (symbole de l’amour, d’une amitié passionnée, dans le langage des fleurs), enroulés autour de sa cheville comme pour l’empêcher d’aller de l’avant, elle s’emporte quand ses compagnons de voyage la poussent hors de ses retranchements. Quand ils lui montrent qu’il existe d’autres façons de dépasser la douleur qu’en mettant un terme à sa vie.

Le character-design est quant à lui magnifique. Les personnages sont très expressifs et agréables à regarder, ont chacun leur style, leur âge et leur tempérament. L’espace est occupé avec intelligence, sans en faire trop ou pas assez, le tout agrémenté de trames qui donnent encore plus de matière et de texture aux temples japonais et aux visions de la divinité, que ce soit via l’épisode des cygnes ou de l’incroyable dragon.

Après un début un brin saccadé, Hiraeth plante les graines d’une merveilleuse histoire, où les dieux d’antan laissent place aux technologies modernes, le sourire aux lèvres, où des adolescentes taquinent la Faucheuse pour tenter de redonner du sens à leur vie et où des immortels rêvent de ne plus l’être. Les décors invitent au voyage, nous encouragent nous-mêmes à réinventer notre quotidien, à reconsidérer quelque part nos acquis. Mika ne le sait pas encore, mais elle s’est lancée dans un véritable parcours initiatique dont on espère qu’elle tirera une autre leçon que celle qu’elle avait en tête en l’entamant. En dépit de la gravité des thèmes abordés, Yuhki Kamatani a su trouver le ton juste. Iel nous prouve qu’il existe autant de manières de faire son deuil qu’il y a d’individus sur Terre, et iel le fait avec une poésie rare, oscillant entre candeur et fatalité avec une grande habileté.

S’agissant d’une série courte, je suis plus que jamais curieuse de parcourir la suite de la triple quête de Mika et de ses mystérieux compagnons, dans ce que je devine déjà être une très belle leçon de vie.

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