L’Homme au perroquet vert – Myriam CHIROUSSE

PRÉSENTATION DU LIVRE

« L’Homme au perroquet vert »
Autrice : Myriam CHIROUSSE
Éditeur : Buchet-Chastel
Parution : 07 Mars 2024
Pagination : 208
Prix : 19 €
HISTORIQUE

« 1920. Alors que les ravages de la Grande Guerre tourmentent encore les mémoires, André, dix-huit ans, enterre sa mère emportée par la maladie. Sans le sou, désormais sans famille, il refuse la vie médiocre à laquelle il se croit promis. Tenté par l’aventure dans les terres lointaines d’Amazonie, il doit pourtant travailler aux côtés du forgeron du village pour gagner sa vie.
Comment sortir de la misère ? Comment poursuivre ses rêves ? Comment – surtout – devenir aussi riche que les Jourdan, cette famille fortunée chez qui sa mère a longtemps travaillé ? Tiraillé entre ses aspirations et ses moyens limités, poussé par l’amour autant que par la haine, André sera prêt à tout pour tordre le cou au destin… »

EXTRAIT

CHRONIQUE

Entre un père journalier qui perdait santé et sobriété ce faisant et une mère orpheline qui s’est échinée dès son plus jeune âge à servir les Jourdan avant d’être renvoyée à l’aube de la Première Guerre Mondiale, le jeune André n’a jamais connu que la misère. Pourtant, si le décès de son père l’a laissé indifférent, il n’en va pas de même pour celui de sa mère qui prive André du jour au lendemain de son seul et unique repère dans la vie. Ravagé par le chagrin et la solitude, il doit par-dessus le marché lutter contre les préjugés des villageois qui le toisent de haut et lui prêtent toute sorte de mauvaises intentions sur le seul constat de sa pauvreté.

« À cette pensée, si réelle, si triste, à l’image de cet instant de vie perdu sans avoir été vécu, un animal sauvage enroulé dans son ventre le mordit de ses dents pointues. Pourquoi n’avaient-ils pas eu droit à ce bonheur tout simple ? »

Avec ce roman, Myriam CHIROUSSE aborde un thème tristement universel, celui du déterminisme social. André est pauvre et en dépit de sa bonne volonté, tous lui font comprendre qu’il ne pourra jamais s’extirper de la fange dont ils le disent issu. Pourtant, l’adolescent se contente de peu et est prêt à tout pour gagner sa vie maintenant que sa mère n’est plus là pour veiller à ses besoins. Il endosse toutes les responsabilités sans se plaindre, trouve une place d’apprenti dans une forge, un métier des plus contraignants, auprès d’un bossu aussi impopulaire que lui, sinon plus. Ensemble, ils trouvent une forme d’harmonie, d’équilibre. Mais les chiffres sont là, du salaire se déduisent des charges courantes qui laissent chaque mois André sans le sou. Pour ne pas sombrer, il s’invente des rêves d’avenir en Amazonie, captivé par l’image de ce cirque itinérant qui avait traversé le village quand il était petit. De cet homme, en particulier, accompagné d’un perroquet vert. André va cristalliser tous ses espoirs d’une vie meilleure autour de cette mystérieuse figure. Avec un courage aussi inflexible que le métal qu’il apprend à manier, teinté de la rancœur alimentée injustement par des villageois sectaires, André lutte jour après jour. Tout se complique toutefois lorsqu’il se décide à faire le premier pas vers la belle et provocante Suzanne. Vers la promesse et le bonheur d’une vie simple. Il ne s’agit plus de s’en sortir seul, mais de trouver un moyen de révéler son histoire d’amour au grand jour, malgré les tabous et les interdits.

« Et pendant ce temps-là, il dévorait les lèvres au goût de cerise, les mangeait, les buvait, autant qu’il était bu et mangé par elles, la bouche délicieuse de Suzanne – ce met étrange et inconnu, nouveau, qui tenait à la fois du fruit et de l’animal, […] festin d’un genre inimaginable et délectable – cette langue tiède et succulente s’enroulait à la sienne dans un long gémissement étouffé. »

D’une plume tantôt poétique tantôt incisive, Myriam CHIROUSSE nous plonge dans un cadre bucolique, avec une grande attention prêtée aux détails et aux décors. Tout est fait pour sentir la pression du carcan dans lequel André est enfermé. On sent les tensions s’amplifier au fil des ans, au fur et à mesure que les autres poussent le jeune homme vers le point de non-retour. Il se dégage de ce texte tant d’injustice, de révolte contenue, qu’on ne peut que serrer les poings en souhaitant qu’un miracle sorte André de ce bourbier. L’ambiance se fait de plus en plus amère, conférant au récit une incroyable impression de gâchis. Loin de toute notion de mérite et de potentiel, ce système des classes, qui fait encore des ravages de nos jours, était déjà omniprésent au début du XXe siècle, le fossé qui sépare les nantis des plus démunis se creusant de manière exponentielle.

Dans une société fataliste où les efforts semblent vains quand on n’est pas bien né, André saura-t-il tirer son épingle du jeu et déjouer les statistiques ? Un roman historique prenant, avec pour titre une jolie mise en abyme et une pincée d’ironie du sort pour sublimer le tout.

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