L’Étrange Cas de Juliette M., T1 — Megan Shepherd

⌧ FICHE TECHNIQUE ⌧

● Saga : L’Étrange Cas de Juliette M. – Tome 1
Titre original : The Madman’s Daughter
Auteur : Megan SHEPHERD
Date de Parution : 02 Mai 2013
Éditeur : Milan – Macadam
Nombre de Pages : 439
Prix : 15,20 €

⌧ SYNOPSIS ⌧

Londres, 1895.
Juliette Moreau n’est plus rien. Sa vie a basculé le jour où son père, le plus éminent chirurgien de Londres, a été accusé d’ignobles pratiques médicales. Est-il mort ? En fuite ? Nul ne le sait. Une chose est sûre : Juliette doit maintenant se débrouiller seule pour survivre. Et tenter de répondre à cette terrible question qui l’obsède : qui est vraiment son père ? Un fou ou un génie ?

⌧ CHRONIQUE ⌧

Avec des œuvres comme par exemple « Scarlette » de Davonna Juroe ou « La Pucelle et le Démon » de Bénédicte Taffin, je m’intéresse de plus en plus aux réécritures. « L’Étrange Cas de Juliette M. » revisite ici « L’Île du Docteur Moreau » de H.G. Wells, et le résultat se révèle clairement à la hauteur de mes attentes.

L’action débute à Londres en 1895. Juliette est passée de la condition de lady à celle d’employée ménagère dans une université formant les médecins de demain. Son père a été accusé de méthodes barbares, on ne sait pas trop s’il est mort ou vivant, coupable ou innocent. Suite à sa disparition, sa femme a tout perdu et la maladie a fini par l’emporter, après un long combat pour protéger sa fille. C’est là où l’injustice se fait si cruelle… Juliette n’était qu’une enfant, elle n’était en rien responsable des actes de son père. Pourtant, la chute de ce dernier a inévitablement entraîné la sienne, et de fille nantie et respectée, elle devient une bonne à tout faire que les amis d’hier s’amusent aujourd’hui à traîner plus bas que terre, à l’exception de la fidèle Lucy. Juliette va de situations délicates et inconfortables en nettes mésaventures, et elle va perdre un peu plus encore alors qu’il lui restait déjà si peu. Acculée, elle trouve enfin le courage d’entreprendre ce dont elle rêvait depuis si longtemps : retrouver son père – s’il vit encore, et s’assurer une bonne fois pour toutes que les rumeurs étaient infondées.

Elle renoue avec son ami d’enfance, Montgomery. Il n’était que le fils d’une domestique des Moreau, mais le docteur l’avait pris sous son aile pour l’éduquer et l’initier à son art, Juliette n’étant pas née du « bon sexe ». Le garçon avait disparu en même temps que le médecin déchu, mais elle va le retrouver presque par hasard et parviendra à lui faire avouer que son père est toujours vivant. Après une longue traversée en mer vers l’Australie, Montgomery et Juliette recueillent un naufragé répondant au nom d’Edward Prince, mais le pied à peine posé sur l’île, le docteur donne le ton et l’intrigue prend pleinement son envol. Très vite, le drame frappe. Entre les conflits incessants qui éclatent tour à tour entre le docteur, sa fille et ses deux soupirants, et les incidents rapportés chez les indigènes au physique si primitif, Juliette se pose de plus en plus de questions… et trouve des réponses qu’elle aurait largement préféré ignorer.

Cette réécriture reprend les thèmes originels comme la relation de l’Homme à l’animal, la place de chacun sur Terre ainsi que leurs droits et devoirs, et ce qui les différencie l’un de l’autre. Elle prend place aux prémices de l’éveil des consciences, aux débuts de la Science et des théories sur l’évolution de Darwin. De grands changements sont en marche, mais le conservatisme a la peau dure. Ainsi, les femmes ne sont guère plus que des trophées, des meubles, une façon d’assurer une descendance. Elles n’ont aucun droit en dehors de celui d’être belle et obéissante. Allez donc imaginer ce qu’étaient les droits des animaux à cette époque…

Mais d’autres points font aussi la force de ce roman, comme l’ambiguïté de ses personnages, et l’ambiance sombre et oppressante qui va crescendo. Je dirais qu’en dehors du docteur, ils ont tous une part d’ombre et de lumière, et on a du mal à réellement savoir quelle moitié domine, en Montgomery et en Edward tout particulièrement. Juliette elle-même s’y perd et va de l’un à l’autre, sans que jamais l’évidence ne saute à ses yeux… et elle ne le fera que très tardivement à son cœur.

Les tensions grandissantes captivent le lecteur, alors que le temps lui-même se dégrade de plus en plus sur l’île perdue au milieu de nulle part. Elles atteindront leur apothéose dans un final qui surprend jusqu’à la dernière ligne et qui donne au lecteur l’impression que même la nuit paraît lumineuse comparée au livre qu’il vient de refermer.

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