Parler comme tu respires – I. Pandazopoulos

PRÉSENTATION DU LIVRE

⌧ CARACTÉRISTIQUES ⌧
Titre : Parler comme tu respires
Auteur : Isabelle PANDAZOPOULOS
Éditeur : Rageot
Parution : 06 Janvier 2021
Pagination : 320
Prix : 14,90 €
★ Adolescent, Young-Adult ★

« Sibylle a 15 ans. Depuis son entrée au CP, elle bégaie, ce qui ne l’empêche pas d’être une excellente élève, très douée en dessin. Rien n’y a fait, ni les visites chez les orthophonistes ni l’aide de ses parents qui l’entourent avec affection. Alors que son orientation de fin de troisième doit bientôt se décider, Sibylle se révolte soudain contre ses parents qui souhaitent qu’elle fasse des études longues et impose son désir : elle deviendra tailleuse de pierre. »

EXTRAIT

CHRONIQUE

Intrigue∎∎∎∎∎Rythme∎∎∎∎∎Créativité∎∎∎∎∎
Écriture∎∎∎∎∎Personnages∎∎∎∎Sentiments∎∎∎∎

Sibylle est en fuite. Pas à cause de sa famille : ses parents sont d’ailleurs un peu collants à trop l’aimer, et sa grand-mère l’adore sans jamais oublier de lui mettre un coup de pied de fesse chaque fois qu’elle s’apitoie trop sur son sort. Ou peut-être que si, après tout. Elle sent planer un secret entre eux, un silence, comme un mensonge qui s’acharne à les séparer, à l’isoler, elle qui encaisse coup après coup au lycée. Car Sibylle bégaie depuis son entrée au CP et à partir de là, soit on l’évite purement et simplement, soit on ronge son frein quand elle s’avance pour s’exprimer, une seule phrase pouvant prendre des proportions inédites en termes de longueur et d’efforts. De plus en plus, Sibylle choisit de se taire quand bien même les mots se bousculent dans sa tête. Elle a pourtant tout fait pour se défaire de son handicap ; elle est passée par la case de tous les spécialistes, et pas qu’une fois. Aujourd’hui, elle s’est résignée à vivre avec ses syllabes trébuchantes. Alors pourquoi sent-elle la colère monter inexorablement en elle ? À l’âge où il lui faut commencer à décider de son avenir, comment s’opposer au chemin tout tracé que parents et professeurs lui indiquent ? Comment exprimer ses envies et ses besoins, elle qui se mure dans le mutisme ou au contraire dans la révolte ? Comment ramifier, étendre ses racines, alors qu’elle s’entête à les remonter pour découvrir l’origine de son mal-être ?

Dans ce roman, Isabelle Pandazopoulos aborde avec sensibilité tous les enjeux de l’adolescence. Ce besoin de s’affirmer face aux adultes, celui d’être reconnu·e par ses pairs, la peur de ne pas trouver sa vocation, les cours, les ami·es, les amours… Entre les mains de Sibylle, sa plume se fait directe, incisive. On sent toute l’énergie dégagée par son héroïne atypique et volontaire, car si Sibylle hésite longuement, une fois l’étincelle allumée, il semble presque impossible de l’étouffer. Je me suis pas mal retrouvée en elle lorsque je partageais le même âge : ce côté introverti, créatif, cette peur de se confronter aux autres, de prendre la parole. Bonne élève, j’ai été dirigée vers la filière scientifique alors que j’étais depuis toujours une littéraire dans l’âme, à la seule différence que je n’ai pas eu son courage. Je n’ai pas su taper du pied, alors forcément, je n’en admire que davantage sa détermination à se trouver, indépendamment des pressions exercées, des préjugés et des idées reçues. Et là où ses pérégrinations l’emmènent, il n’en manque pas : tailleur de pierre, c’est un métier d’homme, selon son père et beaucoup d’autres. Et les métiers de main, c’est indigne d’elle.

Les phrases sont parfois hachées sans perdre de leur poésie, de leur rythme ou de leur précision. Cette construction nous montre toute l’intensité du caractère de Sibylle, toute la vivacité de ses pensées. Comme si elle cherchait à en dire un maximum en un minimum de mots, ce que l’on ne peut que comprendre en se mettant à sa place. Quelques chapitres virent de bord, elle laisse sans crier gare la parole à ses parents pour nous livrer un regard extérieur sur son comportement, ses décisions, son côté impulsif, imprévisible, passionné et passionnel. Chacun de ces changements de narrateur amenant son lot de surprises. Chose rare : l’autrice a réussi à me prendre au dépourvu sans que son intrigue n’en soit dénaturée. Bien au contraire. Le récit est riche, inattendu ; c’est pourquoi cette lecture s’est révélée si addictive. Je voulais savoir comment Sibylle allait tirer son épingle du jeu, si elle allait parvenir à trouver des réponses à ses questions, à s’épanouir. J’ai tremblé pour elle. Derrière sa personnalité à fleur de peau, on ne peut que l’apprécier et la soutenir dans sa quête d’elle-même.

À travers sa galerie de personnages secondaires, Isabelle Pandazopoulos explore d’autres thèmes tout aussi pertinents comme l’homosexualité, l’ouverture d’esprit, la communication. Elle développe grâce à eux la notion de famille pour ne pas se cantonner au portrait traditionnel dressé par Sibylle et les siens. En plus d’apprendre à manier le burin et à apprivoiser leur nouvelle camarade, les pierreux ne sont pas en reste côté challenges de la vie. Bien qu’ils occupent une place moindre dans le récit, ils n’en sont pas moins touchants et intéressants.

Pour toutes ces raisons, je ne peux qu’en recommander la lecture. Du young-adult comme je l’aime, dans l’air du temps. Une héroïne campée avec force et fierté, loin des clichés de la demoiselle en détresse. Un roman qui aborde le handicap avec intelligence et compassion sans jamais sombrer dans la pitié, qui nous invite à nous questionner sur nos propres choix et notre relation à l’autre.

3 réflexions sur “Parler comme tu respires – I. Pandazopoulos

    • Dragon Lyre dit :

      Je ne sais pas ce que tu entends par « trop jeunesse » pour te répondre au mieux. En tout cas, Sibylle est complexe et en pleine rébellion, ça donne du corps au récit ☺️

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