La Nostalgie des Sentiments – Hanni MÜNZER

PRÉSENTATION DU LIVRE

⌧ CARACTÉRISTIQUES ⌧
Titre français : La Nostalgie des Sentiments, Tome 1
Titre original : Heimat ist ein Sehnsuchtsort
Autrice : Hanni MÜNZER
Éditeur : L’Archipel
Parution : 14 Septembre 2023
Pagination : 480
Prix : 24 €
★ Historique ★

« Au milieu des années 1920, Laurenz Sadler rencontre Anne-Marie. Le coup de foudre est immédiat, et réciproque. Le jeune homme ne connaît alors ni le passé mouvementé de la jeune femme, ni son secret. Laurenz rêvait de devenir musicien ; il se voit contraint de reprendre la ferme familiale. Pourtant, dans ce village allemand à proximité de la frontière polonaise, il connaît le bonheur aux côtés d’Anne-Marie et de leurs deux filles, Kathi et Franzi.
Mais le climat politique change. Le national-socialisme gagne du terrain. Au village, le climat se tend, entre farouches partisans et opposants, dont la famille Sadler, qui préfère taire ses opinions pour vivre en paix. Jusqu’au jour où Kathi, âgée de quinze ans, remporte un concours national de mathématiques et attire sur elle l’attention de Berlin, où les dignitaires nazis voudraient la faire venir pour qu’elle participe à un programme de recherche. Anne-Marie s’y oppose, déclenchant par sa rébellion une série d’événements dramatiques qui bouleverseront le destin de la famille Sadler… »

EXTRAIT

CHRONIQUE

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la famille Sadler n’est pas sortie indemne de la Première Guerre Mondiale, entre un père sourd et aveugle, qui n’émergera jamais de son syndrome de stress post-traumatique, un fils mort sur le champ de bataille et un autre dans un accident survenu à la ferme familiale, peu après la fin des hostilités. C’est dans ces tristes conditions que le cadet, Laurenz, dernier héritier, musicien et artiste dans l’âme, se voit contraint d’abandonner ses ambitions à la capitale pour revenir aider sa mère dans l’exploitation de la ferme, de ses animaux et de ses champs. Un jeune marié, qui revient au pays avec Anne-Marie à son bras, une belle inconnue frêle et effacée. De 1928 à 1945, nous allons suivre le quotidien de cette famille en zone frontalière, entre la Pologne et l’Allemagne, de la naissance de leurs deux filles à l’armistice de la Seconde Guerre Mondiale, en passant inévitablement par la montée du nazisme.

La majeure partie de ce récit nous est narrée dans un style quasi contemplatif. Hanni Münzer nous dépeint les activités de chacun à la ferme, la personnalité de ses personnages, leurs complicités ainsi que leurs divergences. Entre Dorota à la cuisine, Oleg avec les animaux et Anton, le meilleur ami de Kathi, l’aînée des deux filles, l’immersion est totale. L’autrice nous tisse un cocon bien douillet dans lequel on se réfugie volontiers. Le rythme pourrait cependant paraître lent aux yeux de certains lecteurs. Le cadre est bucolique, et comme il s’agit d’un coin de campagne reculé, la guerre ne se fait pas réellement ressentir avant que les Sadler ne soient personnellement visés par les luttes en cours. Si le village de Petersdorf semble un temps à l’abri des conflits qui se mettent en branle à échelle mondiale, il n’en sort pourtant pas indemne. Quand la guerre éclate, les clans se forment, entre partisans et opposition. Les chemises brunes sont partout, les collaborateurs aussi, des amis et voisins deviennent ennemis, et les Sadler en font plus d’une fois les frais, dans leur volonté d’agir au plus juste.

Je n’ai pas été dérangée par cette narration un brin indolente. Au contraire ! J’ai adoré fréquenter les Sadler, l’humeur belliqueuse de la grand-mère, les secrets d’Anne-Marie, la bienveillance et le courage de Laurenz, Kathi la surdouée et ses aventures effrénées avec Anton, Oskar le chien et Pierrot le cerf. Sans oublier la petite Franzi, avec ses handicaps liés à sa sclérodermie, dans un monde où Hitler cherche à tout prix à « purifier » la lignée aryenne. Quand l’univers des fillettes bascule, on prend soudain conscience de tout ce que cela impliquait de vivre en Allemagne au beau milieu de la Seconde Guerre Mondiale. Les restrictions de mouvement, le rationnement alimentaire, les dénonciations, les réquisitions, les exécutions à tout va, les bombardements… Le ventre noué, j’ai suivi Kathi qui, à à peine seize ans, assure non seulement sa survie mais aussi celle de sa petite sœur si vulnérable. Elles partagent un lien très fort qui ne peut que toucher le lecteur et lui faire redouter le pire dans de telles circonstances. De mon point de vue, le roman manque toutefois d’un vrai fil conducteur. Entre la planque dans la forêt, les facéties de Franzi, l’acharnement de la voisine Elsbeth, les différentes manœuvres militaires et autres tracas du quotidien, l’intrigue a tendance à partir dans tous les sens. De plus, Hanni Münzer insère régulièrement des faits historiques pour bien nous situer dans le contexte de cette époque si particulière (j’ai apprécié !), ce qui vient encore alourdir ce rythme en dents de scie. Mais grâce à cette belle et grande famille, j’ai pu facilement omettre cette impression de ne pas savoir où l’autrice cherchait à m’emmener, et profiter tout de même du voyage.

Dans ce premier tome, des pistes nous sont données quant au voile de mystère nimbant le passé d’Anne-Marie sans toutefois qu’il ne soit levé. L’intrigue de Laurenz reste en suspens elle aussi. J’ignorais en entamant cette lecture qu’il s’agissait du premier tome d’une duologie. La fin ouverte m’a donc frustrée plus qu’elle ne l’aurait dû. Je n’ai pas eu de réponses aux nombreuses questions que je me posais encore. Cela ne gâche en rien la qualité de cet ouvrage, bien entendu, et je ne manquerai pas de suivre les aventures de Kathi dans le prochain opus.

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