Les papillons rêvent-ils d’éternité ? — Sandra Labastie

⌧ FICHE TECHNIQUE ⌧

● Titre : Les papillons rêvent-ils d’éternité ?
Auteur : Sandra LABASTIE
Date de Parution : 17 Avril 2014
Éditeur : Michel Lafon
Nombre de Pages : 172
Prix : 14,95 €

⌧ SYNOPSIS ⌧

« Cette journée du 1er janvier, la première de la dernière année du monde, il s’est passé quelque chose de spécial entre nous, les élus. C’était comme au printemps, quand on devient joyeux sans comprendre pourquoi. C’est la dernière année de souffrance, a dit papa. Bientôt, on sera libérés. »

Les saisons se succèdent et les croyants se préparent à la fin des temps. Parmi eux, une jeune fille de 13 ans contemple la condition humaine dans ses craintes et ses obsessions, dans sa surprenante capacité d’imagination pour triompher d’une vie sans espérance.
Le roman de Sandra Labastie explore la frontière très fragile où la croyance jouxte la folie.

⌧ CHRONIQUE ⌧

Ce roman est d’un format assez court (172 pages) et pourtant, il parvient à nous camper une histoire solide et complète, avec un véritable travail de réflexion en arrière-plan.

L’héroïne est à la veille de son treizième anniversaire. Elle vit entourée de deux parents aimants et sans problème, si ce n’est qu’ils adhèrent tous deux à un courant religieux extrémiste. Ce mot leur déplaît fortement, mais comment en parler autrement ? Le fonctionnement de leur temple ressemble à une secte : les fidèles doivent reverser 10% de leurs revenus au pasteur, tout le monde surveille tout le monde, prêt à dénoncer le moindre écart. On sourit, mais il suffit de gratter un peu la surface pour voir qu’il n’y a aucune bienveillance en dessous. Tout est rigide, carré, gravé dans la pierre… étouffant et contraignant. Le bannissement guette les contrevenants et les relations – même amicales – avec des gens de l’extérieur sont assez mal perçues.

Pire encore : cette communauté, qui devrait se montrer bienveillante et altruiste de par ses préceptes religieux, s’acharne plutôt à railler les « incroyants ». Les « élus » se croient supérieurs en tout point au reste du monde, un monde qu’ils prétendent condamné à l’apocalypse avant la fin de l’année en cours. On nage en plein fanatisme, où une personne et quelques rares subordonnés, les Sages, se croient investis d’une mission leur permettant de se réjouir de la mort de tous les incroyants lors du cataclysme prédit.

Je suis athée et craignais un peu que ce côté religieux très prononcé ne gêne ma lecture. Finalement, il n’en a rien été. La jeune héroïne de Sandra Labastie quitte l’âge de l’innocence et commence à se poser des tas de questions sur la vie, les autres, la place de Dieu… et du Diable. Elle sait d’avance ce que ses parents lui répondraient si elle les leur posait directement, alors elle tourne en cachette les pages des encyclopédies pour apprendre par elle-même. Elle se rend progressivement compte du fossé que les élus creusent entre eux et le reste du monde. Elle cherche à savoir pourquoi et se remet en question quand elle réalise qu’elle commence elle-aussi à adopter le même genre de comportements qu’eux.

C’est un lourd fardeau à porter pour une enfant de cet âge. Elle s’enfonce petit à petit dans un sentiment d’isolement et d’incompréhension. Elle perçoit des choses que les autres élus la poussent indirectement à oublier. Il est ainsi plus convenant d’ignorer la détresse apparente d’une fidèle de leur temple, de fermer les yeux sur les premiers signes de comportements déviants, de mépriser les incroyants qui refusent de les écouter prêcher en ville. Les moqueries sont bilatérales, mais un seul camp est assez courageux pour l’admettre.

La narratrice préadolescente réalise paradoxalement que plus elle grandit, moins on laisse d’espace à celle qu’elle est vraiment. Elle doit adopter la « personnalité chrétienne » et oublier tout le reste. Ses pensées sont parfois décousues, mais toujours révélatrices. Elle tâtonne pour trouver sa propre vérité. La fin de l’année approche, les élus attendent l’apocalypse avec impatience et se réjouissent de tout signe qu’ils jugent avant-coureur. Une foi sans cœur et sans compassion, où l’empathie n’est même pas de mise entre eux. Il n’est donc pas étonnant de voir la jeune fille sombrer dans une profonde mélancolie, qui va lui faire prendre goût au mensonge et commettre une terrible erreur. Comment réagiraient ses parents s’ils apprenaient toute la vérité ? Resteraient-ils fidèles à leur culte ou à leur famille ? Tout l’enjeu de ce roman se trouve là, et la plume de Sandra Labastie, unique et poétique, s’y prête à merveille !

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