Les Confessions de Frannie Langton – Sara COLLINS

⌧ FICHE TECHNIQUE ⌧

Titre français : Les Confessions de Frannie Langton
Titre original : The Confessions of Frannie Langton
Auteur : Sara COLLINS
Parution : 18 Avril 2019
Éditeur : Belfond
Pagination : 408
Prix : 21,90 €

⌧ SYNOPSIS ⌧

Esclave. Frannie Langton grandit à Paradise, dans une plantation de canne à sucre, où elle est le jouet de chacun : de sa maîtresse, qui se pique de lui apprendre à lire tout en la martyrisant, puis de son maître, qui la contraint à prendre part aux plus atroces expériences scientifiques…

Domestique. À son arrivée à Londres, la jeune femme est offerte comme un vulgaire accessoire à George et Marguerite Benham, l’un des couples les plus raffinés d’Angleterre.

Séductrice. Seule contre tous, Frannie trouve une alliée en Marguerite. Entre ces deux lectrices invétérées se noue un lien indéfectible. Une foudroyante passion. Une sulfureuse liaison.

Meurtrière. Aujourd’hui, Frannie est accusée du double meurtre des Benham. La foule se presse aux portes de la cour d’assises pour assister à son procès. Pourtant, de cette nuit tragique, elle ne garde aucun souvenir. Pour tenter de recouvrer la mémoire, Frannie prend la plume…

Victime ? Qui est vraiment Frannie Langton ?

⌧ CHRONIQUE ⌧

Intrigue ∎∎∎∎ Rythme ∎∎∎∎ Créativité ∎∎∎∎∎
Écriture ∎∎∎∎∎ Personnages ∎∎∎∎∎ Sentiments ∎∎∎∎

Je ne sais par où commencer tant ce roman est puissant. Il suffit d’ailleurs de parcourir la note de l’auteure dans les premières pages pour comprendre que Sara Collins ne fera pas les choses à moitié. Elle évoque rapidement toutes les œuvres sur lesquelles elle s’est appuyée pour écrire cette histoire et sa plume n’y fera pas défaut.

Son style se décline sous différentes formes. Sara Collins donne pleine voix à Frannie Langton et manie à merveille récit narratif, extraits de journal, aveux rédigés depuis sa cellule et déroulement du procès. La force de ce récit n’est pas le seul fait de cette diversité, mais aussi de la richesse du vocabulaire de l’auteure. La forme est mise et nous transporte aisément au cœur de la Jamaïque du XIXème siècle.

Le fond n’est pas en reste. Sur cette île qui se veut paradisiaque, les ombres s’étirent sous le soleil de plomb baignant la plantation où a grandi Frannie. Métisse, elle a toujours été quelqu’un d’à part. Ni blanche, ni noire, ni maîtresse, ni esclave. On l’a maintes fois surnommée « la négresse de maison ». Enfant naïve, elle pense être appréciée à sa juste valeur quand les Langton l’installent dans la maison principale pour y vivre et servir madame. Entre l’esclave dure mais juste qui gère les tâches domestiques et une maîtresse qui prend un malin plaisir à la tourmenter, Frannie se perd pourtant un peu plus. Elle n’en est pas encore consciente mais derrière son apprentissage de la lecture et de l’écriture, on se joue d’elle et on l’emmène contre son gré dans les ténèbres d’un ignoble laboratoire et d’un pari malsain.

Un laboratoire dont elle peine à avouer ce qu’il s’y est passé. Frannie louvoie, se tait ou détourne la conversation chaque fois qu’on lui demandera plus tard ce que Langton y a fait ; elle ne se confessera que tardivement sur le sujet. Pour ma part, c’est un côté du colonialisme dont j’ignorais encore l’existence, où il s’agit soi-disant de démontrer que les Noirs sont limités et inférieurs à travers une approche scientifique. Comme si le principe même de l’esclavage et de la traite d’êtres humains n’était pas déjà assez odieux et révoltant…

Ces recherches finissent par amener Langton et Frannie à Londres où il la met au service des Benham sans l’en avoir informée au préalable. Mise au pied du mur, abandonnée du jour au lendemain, Frannie perd tous ses repères. Elle qui aimait manier les mots, la voici désormais les mains dans la soude et le charbon. Ses traits d’esprit attirent néanmoins l’attention de la maîtresse de maison, Marguerite dite Meg la Merveilleuse. Une jeune femme fantasque et inconstante, qui aime se faire remarquer entre deux prises de laudanum pour faire taire ses démons intérieurs. Leur passion commune pour la lecture se développe en quelque chose de plus profond et de plus intime. Envers et contre tout, elles vont s’aimer en cachette. Malgré la complexité de leurs situations, malgré leur statut social aux antipodes, les valeurs de l’époque et les complications liées à leur addiction et leur interdépendance. Leur relation va malheureusement prendre une pente dangereuse où l’on ne sait plus qui profite de l’autre.

Jusqu’au fameux soir où le couple Benham est retrouvé mort, Frannie tranquillement endormie aux côtés de Meg, les mains couvertes de leur sang.

Je n’en dis pas plus sur la trame ; Sara Collins joue habilement entre présent et passé pour distiller les détails de son intrigue et nous tenir en haleine. Jusqu’au bout, on essaie de se figurer les motifs de chacun, de démêler le vrai du faux, de chercher des griefs, des alibis. Ce roman débute sous le soleil de la Jamaïque et ne fera que s’assombrir de page en page jusqu’au final déchirant. Il est glaçant par bien des aspects. L’auteure nous relate tout ceci dans une atmosphère qui se veut à la fois gothique et authentique de par son travail de documentation.

Elle nous saisit aussi par la force des thèmes abordés : l’esclavage, le colonialisme, le racisme, la place de la femme dans la société, l’amour – hétéro ou homosexuel. C’est une œuvre percutante qui se veut encore tristement d’actualité quand on l’adapte au monde d’aujourd’hui, avec toutes ces discriminations qui ont la peau dure.

Son héroïne est délicieusement ambiguë : Frannie est à la fois forte et vulnérable, innocente et coupable. Malgré les multiples trahisons dont elle a été victime, il y a une soif intarissable en elle : d’apprendre, d’aimer, de trouver sa place, de s’élever. Une soif qu’elle tentera d’étancher en devenant à son tour une mangeuse d’opium et qui la mènera droit vers sa perte.

2 réflexions sur “Les Confessions de Frannie Langton – Sara COLLINS

  1. Buckette dit :

    Ohlala je ne connaissais pas ! J’ai très envie de le lire, celui-ci. Historiquement, il a l’air d’être riche en renseignements, et puis la trame, l’identité de Frannie, à quel point est-elle coupable ? Ça donne envie !

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    • Dragon Lyre dit :

      Je suis tombée dessus un peu par hasard, c’est typiquement le genre de livres qui ont tendance à passer à la trappe sur la blogosphère alors qu’ils sont si intéressants. Dommage parce qu’il est vraiment bien ficelé et documenté, il vaut le détour !

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