Les Miracles de l’Ourcq – Véronique PIERRON

⌧ FICHE TECHNIQUE ⌧

Titre : Les Miracles de l’Ourcq
Auteur : Véronique PIERRON
Parution : 03 Octobre 2019
Éditeur : Presses de la Cité
Pagination : 320
Prix : 20 €

⌧ SYNOPSIS ⌧

Sur les bords du canal de l’Ourcq à Paris, toute une population en marge a construit des villages avec des maisons de fortune en carton recouvertes de bâches en plastique. On y rencontre le Vieux, qui, après un naufrage personnel, s’adonne dans sa petite caravane à sa passion du tricot ; Sandra, atteinte du syndrome de Gilles de La Tourette ; Bella, qui est voyante, ou encore Noury le musicien. Il y a aussi Juno, le Brésilien poète illettré, fou amoureux d’une écrivaine infirme au succès grandissant. Cette population de cabossés aurait bien besoin d’un coup de pouce du destin. Jusqu’au jour où surgissent les miracles de l’Ourcq…


⌧ CHRONIQUE ⌧

L’histoire commence avec Juno, qui arrive tout droit du Brésil et parle encore très mal le français. Il apprend à lire avec le Vieux, par amour pour une écrivaine en pleine ascension : Isabelle. Cette dernière soigne son image publique mais derrière les roues de son fauteuil roulant se cache bien plus qu’un handicap. Il y a aussi Noury, le violoniste prodige qui nous vient de l’Est. Les taches de vin qui lui mangent la moitié du visage ne l’aident pas à se faire une place, tout comme Sandra, à la rue malgré son tailleur et ses talons, dont les efforts sont régulièrement ruinés par son syndrome de Gilles de la Tourette. Les obscénités qu’elle ne cesse de hurler et ses brusques mouvements de tête la font passer pour une folle. Ils sont loin d’être les seuls à vivoter sur cette berge, privés de tout, traités comme des moins que rien. En face, de l’autre côté du canal, il y a les camps des gens du voyage, qui ont appris à s’adapter à cette vie d’errance et s’en tirent un peu mieux.

C’est toute cette France oubliée que Véronique Pierron met en scène dans son roman, avec justesse, sensibilité et humour, le tout en savant équilibre. Elle vogue d’un personnage à l’autre au cœur d’un même chapitre pour nous exposer des tranches de vie et nous donner une vision plus globale de la situation. Quand certains vont à Paris jouer dans les couloirs du métro pour gagner de quoi manger, on découvre également la vision du reste de la population sur ces sans-abris et on est irrémédiablement amenés à se poser des questions. Notamment, la fameuse : « Si j’avais été dans cette situation, avec ce personnage en face, comment aurais-je réagi ? ». Le moment venu, on espère tous se montrer humains et accueillants, loin de tout préjugé, loin de ce qu’on peut lire, à coller des étiquettes de fou ou de cas désespéré, d’idiot ou de voleur. L’œuvre de Véronique Pierron nous pousse ainsi à aller au-delà des apparences et à ne pas tirer de conclusions hâtives, car chacun de ses petits démunis offre des trésors dans son parcours de vie et dans son potentiel. Elle nous prouve que non, on ne vit pas dans la rue par choix mais plutôt par de malheureux concours de circonstances.

C’est d’ailleurs l’une d’entre elles qui va ébranler le quotidien des deux rives. C’est là que le texte se drape d’un soupçon de fantastique auquel je ne m’attendais pas et qui va bousculer l’ordre établi. Pour le meilleur et pour le pire. J’ai d’abord été surprise par ce revirement, et finalement, comme pour les personnages, j’ai décidé d’accepter le récit tel que l’autrice l’avait pensé et je n’ai pas été déçue du voyage. Cette touche extraordinaire amène souvent des sourires sur le visage des lecteurs et fait grandit ces héros du quotidien. Elle va en pousser certains dans leurs derniers retranchements, soulevant dilemmes et conflits, pour leur permettre de comprendre qui ils sont au fond d’eux-mêmes, loin de l’image qu’on leur donne, et agir en conséquence pour une vie meilleure.

Je pensais, en entamant cette lecture, avoir affaire à un nouveau roman feel-good mais il n’est pas que ça. Au-delà des codes de ce style contemporain, j’ai trouvé une narration unique dans son genre, qui papillonne d’un personnage à l’autre sans s’alourdir sur les transitions. Une voix omniprésente pleine de bonnes intentions, d’accents chantants et de remises en question. Qui oscille entre un ton brut et léger. Véronique Pierron sait comment parler des pires épreuves de la vie sans tomber dans le pathos. La forme m’a déstabilisée dans un premier temps pour mieux me saisir ensuite, et cette aventure humaine, que l’on croise au quotidien sans vraiment la regarder, vaut clairement le détour.

 

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.