Que Dieu lui pardonne – Laurent MALOT

PRÉSENTATION DU LIVRE

⌧ CARACTÉRISTIQUES ⌧
Titre : Que Dieu lui pardonne
Auteur : Laurent MALOT
Éditeur : XO Éditions
Parution : 14 Janvier 2021
Pagination : 235
Prix : 19,90 €
★ Littérature Contemporaine ★

« Maya a dix-sept ans. Lorsqu’elle décide d’échapper à la violence de son père, elle trouve refuge à Fécamp, au pied des falaises. Elle se reconstruit et peut enfin se rêver un avenir : elle sera architecte. Mais dans l’appartement mitoyen du sien, quatre enfants, de six à douze ans, sont la proie d’un homme tyrannique. Son combat, désormais, n’est plus seulement de sauver son âme, mais de les protéger. Jamais elle n’aurait imaginé que les choses se passeraient ainsi. Elle va agir avec son cœur. Sans réfléchir. Que Dieu lui pardonne. Comme il pardonne aux lâches. Aux misérables… »

EXTRAIT

CHRONIQUE

Intrigue∎∎∎∎∎Rythme∎∎∎∎∎Créativité∎∎∎∎
Écriture∎∎∎∎∎Personnages∎∎∎∎Sentiments∎∎∎∎

Avec la complicité d’une tante, Maya – dix-sept ans – s’est réfugiée à Fécamp, loin de sa terre natale et de ses parents. Elle n’y rêve que d’une chose : se débarrasser du fardeau que représente pour elle son passé. Petit à petit, elle tisse ses premières amitiés, éprouve un premier amour d’adolescente aussi. Tour à tour élève sans histoire, danseuse débutante, employée d’hôtel au black, baby-sitter modèle, elle donne le change sous bien des rapports et subvient à ses propres besoins, tout en veillant à ne jamais laisser de traces que sa famille pourrait remonter. Peu de temps après son emménagement, Maya fait la connaissance de Lucien, un petit garçon de six ans très perspicace vivant dans un appartement voisin. Avec ces cloisons aussi fines que du papier, elle comprend vite ce qui se trame entre lui, sa fratrie et leur beau-père, chaque fois que ce dernier rentre de sa journée de travail. Maya est ainsi prise au piège entre sa conscience et sa volonté de se préserver. Par un malheureux concours de circonstances, elle se retrouve un soir au pied du mur et – en état de légitime défense – aura alors un geste qui chamboulera toute cette nouvelle existence qu’elle s’échinait à bâtir.

D’une plume incisive, à fleur de peau, Laurent Malot nous narre le parcours de combattant auquel est confrontée Maya. Il nous démontre avec justesse toute la résilience dont elle est capable, déploie ses forces et ses faiblesses avec sensibilité, sans jamais aller trop loin. On ne peut que se placer du côté de son héroïne, une jeune fille que personne n’a su/voulu aider, qui s’est vu très tôt confisquer l’innocence de son enfance et que la loi refuse pourtant encore de reconnaître comme une adulte. Elle est à la merci de ses bourreaux, vit dans la peur d’être démasquée. La narration à la première personne du singulier nous plonge dans la moindre de ses pensées. Nous partageons ses doutes, ses peines, ses aspirations à une vie meilleure.

Le format court de ce récit – moins de deux-cents pages – implique que certains thèmes demeurent en arrière-plan. En dehors de quelques promenades en bord de mer et sorties entre amies à peine esquissées, le monde de Maya se résume à son logement et ses interactions avec les gamins d’à côté. Ils vivent dans leur bulle, à l’abri de cette réalité qui n’a de cesse de les mordre, et c’est un choix qui se révèle pertinent après tout, puisque personne n’est là pour leur tendre la main. Maya n’est pas dupe, elle sait que le temps lui est compté après ce fameux geste qui a tout changé. Malgré tout, elle s’applique à faire comme si tout allait bien pour préserver ses petits protégés, démontrant ainsi toute l’étendue de son courage et de son amour. Elle est avide d’offrir tout ce dont elle a été injustement privée.

Si l’intrigue peut donner une certaine impression de facilité, je n’ai pourtant pas manqué de l’apprécier. Tout comme son héroïne, en dépit de la gravité des faits rapportés, Laurent Malot reste dans la lumière. Ce n’est ni un récit de vengeance sanglante ou de cycles vicieux qui se répercutent de génération en génération, ni une version édulcorée de la vie. Il nous parle d’inceste, de violences conjugales, de toxicomanie, des multiples failles d’un système qui se refuse à évoluer avec son temps, et nous prouve qu’il est possible de chercher une autre voie qui n’induira pas de nous abaisser au rang de brutes à notre tour. Car la vraie résilience se situe bel et bien là : dans l’espoir, l’amour, le pardon et la solidarité. Loin de cette voisine acariâtre qui s’est tue pendant des années et ne s’intéresse à ces enfants que lorsque les cris de terreur se sont enfin éteints. Loin de ces directrices d’école qui affrontent les retombées de leurs dénonciations sans que rien de concret ne soit jamais décidé, jusqu’à abandonner à leur tour. Loin de tous ces gens et ces mères qui détournent les yeux par facilité et optent pour la confortable loi du silence.

Laurent Malot nous offre de nombreuses pistes de réflexion, nous pousse à nous remettre en question à travers ce regard qu’il braque sur ceux qui savaient mais n’ont rien fait. Il pose des mots sur les dilemmes de chacun, sur la lâcheté, la peur et l’horreur, sans verser dans la fatalité. Il insiste sur cette nécessité absolue de rompre la spirale infernale en nous positionnant clairement si jamais nous venions à être témoins de drames similaires ; il suffirait parfois d’un geste, d’une parole, d’une écoute attentive pour faire toute la différence. Rien qui ne nous soit inaccessible dans tous les cas. Certaines phrases sonnent tellement vraies qu’elles m’ont fait mal, m’ont remuée autant dans mes tripes que dans mon cœur. Ce roman va droit à l’essentiel et c’est ce qui en fait toute la force. C’est un pavé lancé dans la mare avec la plus grande des humanités.

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