Le fabuleux voyage du carnet des silences

PRÉSENTATION DU LIVRE

⌧ CARACTÉRISTIQUES ⌧
Titre original : The Authenticity Project
Auteur : Clare POOLEY
Éditeur : Fleuve Éditions
Parution : 07 Janvier 2021
Pagination : 473
Prix : 21,90 €
★ Littérature Contemporaine ★

« Monica a abandonné sa carrière d’avocate pour réaliser son rêve : ouvrir un café sur Fulham Road. Le jour où un de ses clients oublie son carnet sur une table, elle ne peut s’empêcher de le lire. Les premières pages lui révèlent la confession de Julian Jessop, un artiste excentrique, âgé de soixante-dix-neuf ans qui exprime toute sa tristesse et sa solitude depuis la mort de sa femme.
Touchée par cette idée de révéler des sentiments intimes à des inconnus, Monica décide de continuer le carnet avant de le déposer dans un bar à vin. Au risque de voir son destin bouleversé de manière inattendue… »

EXTRAIT

CHRONIQUE

Intrigue∎∎∎∎∎Rythme∎∎∎∎∎Créativité∎∎∎∎∎
Écriture∎∎∎∎∎Personnages∎∎∎∎∎Sentiments∎∎∎∎∎

Surfant sur la vague du roman feel good, Clare Pooley nous offre ici une belle plongée dans le quotidien d’un quartier londonien. Nous y rencontrons Julian Jessop, artiste retraité qui n’a plus touché à un pinceau depuis la mort de sa femme quinze ans plus tôt, Monica, ancienne juriste approchant la quarantaine qui a choisi de changer de vie en plaquant tout pour ouvrir un café, et Hazard, tradeur à la City en perdition totale entre alcool et cocaïne. Ils n’ont a priori rien en commun, ni passions ni relations, et pourtant, à travers un simplet carnet lâché dans la nature par Julian, les rencontres s’enchaînent et viendront perturber tant ce qu’ils prenaient pour acquis que leurs désirs les plus intimes. Quand Monica récupère ce fameux carnet sur une table de son établissement, elle était loin de se douter de l’impact qu’il aurait dans sa vie. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle ne pouvait laisser ce vieil homme à sa solitude. Avant de se livrer à son tour par écrit et de déposer le cahier dans un lieu public, elle décide de monter un club de dessin le soir dans ses locaux, dans l’espoir d’y attirer Julian. De trouver un moyen de l’aider sans le prendre en pitié.

Par où commencer pour rendre hommage à ce merveilleux roman ?

Les personnages, d’abord. Ils ont chacun leurs valeurs, leurs caractères, leurs aspirations. Ils se démènent à leur façon contre leurs démons intérieurs, tout en luttant pour préserver les apparences. Derrière l’orgueil se cachent la douleur, la vulnérabilité. Derrière la solitude aussi, peu importe la forme qu’elle revêt. Ce qui m’a plu en chacun d’eux, c’est qu’ils sont terriblement abordables. Ils ont leurs qualités et leurs défauts, et même les plus gentils ont parfois des pensées amères ou des jugements hâtifs. J’ai bien aimé ce message, car effectivement, il est impensable que nous puissions être charitables et bien intentionnés 100% du temps, même avec la meilleure des volontés. Nous sommes humains et donc faillibles. Ce simple constat ne vient en rien entacher ce que nous sommes et ce que nous nous évertuons à transmettre à notre entourage. Rien n’est jamais tout noir ou tout blanc chez eux, ce qui les rend d’office très attachants, jusque dans leurs pires travers. On se sent proches d’eux, de leurs combats.

Et ces combats en question sont aussi divers et variés qu’ils ne le sont eux-mêmes ! Isolement, addictions, deuil, désir de maternité, homosexualité, dépression, et j’en passe. Ce livre est un condensé de l’aventure humaine, dans tout ce qu’elle comporte de plus beau et de plus horrifique. Malgré cet impressionnant catalogue, aucun thème n’est laissé à l’écart. Ils sont menés avec justesse, avec un début, un milieu et une fin. C’est ce qui lui donne un aspect assurément feel good : chacun va devoir apprendre à dépasser (ou respecter) ses limites pour s’épanouir autant qu’ils l’aspirent.

Il règne une réelle alchimie entre les personnages, quand bien même la solidarité sans faille qui les relie au fil des pages se mue parfois en conflits. Comme dans toute famille, au final. Eux qui n’étaient que des étrangers, une ombre dans la foule du quotidien, vont se retrouver à graviter les uns autour des autres. L’excentricité d’un Julian revigoré va bousculer les airs sages de Monica, la positivité de Riley viendra contrebalancer la noirceur des troubles de Hazard, et c’est loin de s’arrêter là, puisque les pérégrinations du carnet se poursuivent pendant ce temps et d’autres curieux montront vite le bout de leur nez.

Vous l’aurez compris, ce roman est d’une richesse incroyable. Tout se tient, tout est crédible, possible. Il n’y a pas de plans sur la comète ou de solutions faciles, car nous savons tous combien la vie aime nous poser des défis que nous jugeons parfois insurmontables. Ici, Clare Pooley nous prouve que si les miracles n’existent pas, il suffit parfois d’un petit geste, d’une pensée, pour entrouvrir une porte et tout changer. Encore faut-il s’en donner la peine, prendre le risque de se révéler tel que nous sommes. Je ne m’attendais pas à être aussi transportée par cette histoire, qui – en plus du reste – nous offre de sacrés rebondissements, que je n’ai pas toujours vu venir. J’aime tellement quand un auteur ou une autrice parvient à me surprendre comme ça avec le plus grand naturel ! C’était délicieux et rafraîchissant de constater aux côtés de cette bande improbable que l’imperfection possède elle aussi son pouvoir de séduction, envers et contre tout.

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