La Porte du Non-Retour, T1 – K. ALEXANDER

PRÉSENTATION DU LIVRE

⌧ CARACTÉRISTIQUES ⌧
Trilogie :
La Porte du Non-Retour, Tome 1
Titre original :
The Door of No Return
Auteur : Kwame ALEXANDER
Éditeur : Albin Michel – Litt’
Parution : 01 Septembre 2023
Pagination : 456
Prix : 19,90 €
★ Jeunesse – Historique ★

« Royaume ashanti, 1860.
Kofi vit et rêve au bord de la rivière. Son frère aîné l’avertit cependant de ne jamais s’y attarder après le coucher du soleil. Tu ne connais pas tous les secrets de la rivière. De quoi veux-tu parler ? demande Kofi. Des bêtes.
Une nuit, le monde du jeune garçon bascule. Son destin se fond alors dans l’histoire collective de ceux qui, arrachés à leur terre, à leur famille, à leur culture, sont jetés en esclavage. »

EXTRAIT

CHRONIQUE

Retour vers l’Afrique des années 1860. Kofi vit dans le Haut Kwanta, une contrée sauvage riche en or, que ses voisins du Bas Kwanta ont longtemps convoité, allant même jusqu’à prendre les armes pour cela. Des voisins qui commercent de plus en plus avec les Merveilleux, comme ils appellent les troupes colonisatrices de la Couronne. Loin de ces conflits d’adultes, Kofi mène une existence tranquille, entre son frère aîné Kwasi et ses meilleurs amis Ebo et Ama. C’est l’âge des premiers amours, des premiers défis… et des altercations incessantes avec son cousin qui ne cesse de le rabaisser. Tous les jours, les enfants se rendent à l’école où leur maître, endoctriné par des années vécues en Europe, s’entête à leur inculquer la langue anglaise et à leur apprendre l’Histoire de l’homme blanc et de la Reine Victoria, mettant par là-même en péril la richesse culturelle locale. Alors que les enjeux autour des réserves d’or accentuent les tensions entre colons, Bas Kwanta et Haut Kwanta, un malheureux incident va venir mettre le feu aux poudres et propulser Kofi dans un monde de violence, de cupidité, de trahison et d’humiliation.

Si j’ai d’abord hésité à entamer cette lecture, de par la mention d’une narration en vers libres, l’expérience m’a prouvée que j’aurais eu bien tort de m’arrêter au conformisme ! Ma curiosité m’a poussée à sauter le pas et j’ai pris une jolie claque ! L’immersion se fait à merveille, on se prend d’affection pour Kofi dans cette nature sauvage, cette existence simple et heureuse. On aime le voir interagir avec les autres, en apprendre davantage sur les mythes et légendes du peuple ashanti. Que ce soit à travers le glossaire, les expressions locales : chale !, ou les symboles en début de chapitre, tout est fait pour nous mettre dans l’ambiance de cet incroyable récit.

Un récit renforcé à la fois par le fond et par la forme. Cette narration en vers libres contribue grandement à l’identité du roman et de la plume de Kwame Alexander. Elle lui donne une force rare, empreinte de magie ancestrale et de poésie. Un récit aux notes tantôt chantantes, tantôt vacillantes entre ombre et lumière, espoir et désespoir, rage et résignation. En plus de ces rimes qui parsèment dialogues et récits, l’auteur joue avec la typographie, les majuscules, la taille de la police, les alinéas. Tout est fait pour ébranler les conventions, pour délivrer le texte de sa cage en papier, clamant une liberté qui ne va pas sans refléter la quête de Kofi.

Kwame Alexander revient sur un sombre épisode de l’Histoire de l’humanité, dont nous nous devons d’entretenir la mémoire en honneur de ceux qui en ont été victimes et pour s’assurer que cela n’arrive plus à l’avenir. Il développe ici le sujet de la traite des esclaves de l’Atlantique avec humilité et sensibilité, à travers le parcours de Kofi, jeune innocent soumis à la cruauté des adultes, des colons. Quand l’univers de Kofi bascule, nous suffoquons face à l’horreur. Comment a-t-on pu traiter nos semblables avec si peu d’humanité ? Cela me dépassera toujours. L’auteur pose un cadre franc et sans concession, nous sensibilise à l’égalité des Hommes et souligne indirectement l’importance de se montrer vigilant aujourd’hui encore vis-à-vis des mouvements racistes. Dans le premier tome de sa trilogie, nous (re)découvrons la richesse de l’Afrique et les travers du colonialisme dans un cadre d’abord idyllique, puis cauchemardesque. Un récit percutant, militant et poétique, d’une originalité rare, sublimé par un message qu’il nous faudra en tout temps nous remémorer.

  

TERREUR

De l’autre côté
de la porte

se trouve le début
de l’immensité bleue

que Nana Mosi
a souvent évoquée

dont j’ai souvent rêvé
une étendue d’eau

si incroyable
si infinie

qu’elle pourrait cracher
un million de nuages

qu’elle pourrait décrocher
la lune avec ses vagues

mais ce n’est pas un rêve
dont je cherche à m’évader

ce bleu rugissant
est un cauchemar violent

une gueule monstrueuse
assez grande

pour nous avaler
tous.

La Porte du non-retour — Ouidah (BÉNIN)

Une réflexion sur “La Porte du Non-Retour, T1 – K. ALEXANDER

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.