Peindre la pluie en couleurs – Aurélie TRAMIER

PRÉSENTATION DU LIVRE

⌧ CARACTÉRISTIQUES ⌧
Titre : Peindre la pluie en couleurs
Autrice : Aurélie TRAMIER
Éditeur : Le Livre de Poche
Parution : 02 Février 2022
Pagination : 384
Prix : 8,20 €
★ Contemporaine ★

« Morgane est une directrice de crèche solitaire et revêche qui ne supporte plus les enfants. À trente-cinq ans, elle vit dans le rêve de racheter une pension pour chiens. Tout vole en éclats lorsque sa sœur meurt dans un accident de voiture, lui laissant ses deux enfants en héritage. L’arrivée d’Eliott, dix ans, et de Léa, six ans, bouscule son quotidien maniaque et fait ressurgir un passé douloureusement enfoui. »

EXTRAIT

CHRONIQUE

En guise de prologue, une adolescente qui fuit à la fois l’hôpital et sa mère, avec pour rêve de se réinventer au Vietnam dès son dix-huitième anniversaire qui ne saurait tarder. On ignore encore tout du pourquoi du comment, mais notre curiosité est piquée. Après un bond en avant de dix-sept ans, nous retrouvons une Morgane adulte, directrice de crèche un brin revêche en région parisienne. Si elle est heureuse de son choix de ne pas avoir d’enfant, elle parvient de moins en moins à cacher son aspiration à autre chose, professionnellement parlant. Vivement critiquée par sa famille et par ses pairs, elle ne se laisse pas influencer et trace sa route comme elle l’entend, en dépit du qu’en dira-t-on. Ce quotidien aussi rassurant que solitaire qu’elle s’est construit vole toutefois en éclat après un accident de la route qui va coûter la vie à sa sœur cadette adorée et à son compagnon, qui laissent derrière eux Eliott, dix ans, et Léa, six ans. Contre toute attente, c’est à Morgane que l’on confie la garde des deux orphelins. Dans son appartement de célibattante, tout reste à faire. Et dans son cœur en friche, la tâche s’annonce encore plus monumentale.

Morgane cache dès le départ une blessure immense, qui l’a isolée de sa famille. Un mensonge par omission dont seule sa mère est consciente et qui n’a depuis eu de cesse de la rejeter. Ce fil rouge nous pousse à émettre mille hypothèses, tout en découvrant le parcours de Morgane, Eliott et Léa, qui doivent apprendre à s’apprivoiser les uns les autres dans cette nouvelle vie dont ils ne veulent pas. On leur a trop pris à tous les trois, et c’est sans doute ce point qui va progressivement les rapprocher.

J’ai trouvé les personnages très réalistes, et de ce fait très touchants, dans leurs rapports maladroits à l’autre, leurs pensées intimes et leurs rêves brisés. La narration oscille entre les points de vue de Morgane et d’Eliott, renforcés par les voix expressives et impliquées de Sophie Frison et Quentin Minon. La jeune femme a du mal à composer avec ses nouvelles responsabilités, à voir deux innocents dépendre d’elle du jour au lendemain, dans un logement même pas adapté à cette nouvelle configuration de famille. De son côté, Eliott rêve de partir vivre chez ses grands-parents maternels à Marseille, jouant même parfois sur la rivalité entre sa mamie Cat et Morgane pour se faire la part du lion. À l’école, ses notes sont en chute libre et les interactions avec ses camarades de classe souvent conflictuelles. En dehors de quelques caprices coutumiers à son âge, Léa semble plus vite trouver ses marques et surmonter son chagrin. Choc, déni, colère, tristesse, résignation, acceptation, reconstruction, les sept étapes du deuil sont abordées avec justesse et délicatesse.

Ce roman nous parle de deuil, bien évidemment, mais aussi des définitions multiples autour du concept de la famille. Il évoque la reconstruction de soi après un drame, la résilience de l’être humain, l’importance de ne pas renoncer à qui l’on est et ce en quoi l’on croit. Morgane est torturée depuis l’adolescence, à juste titre comme on le découvre plus tard dans le roman. Mais à travers le regard de ses neveu et nièce, elle apprend à reconsidérer ses choix de vie et à se pardonner.

En inconditionnelle des chiens depuis des décennies, j’avoue avoir bondi quand l’autrice nous parle gaiement des kilos de chocolats offerts à Snoopy, et ce à plusieurs reprises. Ce n’est même pas un problème de malbouffe, le chocolat est mortel pour les chiens, peu importe leur taille ! C’est une faute majeure quand on nous vend un personnage gaga de son compagnon à quatre pattes, qui côtoie régulièrement le vétérinaire du quartier et qui rêve par-dessus le marché d’ouvrir une pension canine. J’ai également trouvé que le pardon entre Morgane et sa mère venait un peu trop facilement au vu de la gravité de leur conflit qui a tout de même perduré pendant dix-sept ans et entraîné nombre de basses manœuvres.

Cela ne m’a toutefois pas empêchée d’apprécier cette lecture pleine de bons sentiments. Une œuvre empreinte d’amour sous toutes ses formes, d’émotions positives comme négatives, et de sensibilité, dans laquelle une jeune femme va enfin trouver le courage d’affronter son passé pour s’en affranchir grâce à deux enfants qui ont quant à eux grand besoin de renouer avec leur présent après un terrible traumatisme. Tous trois vont panser leurs blessures à tour de rôle pour se donner une chance de connaître des jours meilleurs, un avenir radieux, malgré les épreuves traversées et leurs âmes écorchées.

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