Un Palais d’Épines et de Roses – Sarah J. MAAS

PRÉSENTATION DU LIVRE

⌧ CARACTÉRISTIQUES ⌧
Saga : Un Palais d’Épines et de Roses, Tome 1
Titre original : A Court of Thorns and Roses, Book 1
Autrice : Sarah J. MAAS
Éditeur : La Martinière Jeunesse
Parution : 09 Février 2017
Pagination : 528
Prix : 18,90 €
★ Romance – Fantasy ★

« En chassant dans les bois enneigés, Feyre voulait seulement nourrir sa famille. Mais elle a commis l’irréparable en tuant un Fae, et la voici emmenée de force à Prythian, royaume des immortels. Là-bas, pourtant, sa prison est un palais magnifique et son geôlier n’a rien d’un monstre. Tamlin, un Grand Seigneur Fae, la traite comme une princesse.
Et quel est ce mal qui ronge le royaume et risque de s’étendre à celui des mortels ? A l’évidence, Feyre n’est pas une simple prisonnière. Mais comment une jeune humaine d’origine aussi modeste pourrait-elle venir en aide à de si puissants seigneurs ? Sa liberté, en tout cas, semble être à ce prix. »

EXTRAIT

CHRONIQUE

Ce roman commence comme un conte de fées des frères Grimm. Feyre est la seule à se battre pour la survie de sa famille, entre une mère décédée, un père qui se réfugie derrière l’excuse d’une jambe méchamment cassée par des usuriers pour ne pas avoir à lever le petit doigt, une fille aînée qui dilapide le peu d’argent qu’ils possèdent pour des futilités, dans l’espoir irréaliste de susciter l’attention d’un nobliau, et une cadette gentille à la santé fragile. Non contents de tous se décharger sur la même personne, ils ont le culot de malmener verbalement Feyre sans qui ils seraient déjà morts de faim, et qui pourtant encaisse tout sans broncher. Au cours d’une chasse, cette dernière tombe sur un loup au physique inhabituel et finit par le tuer. C’est alors qu’elle réalise qu’elle vient d’abattre un Fae métamorphe, un Immortel vivant par-delà le Mur séparant le monde de la magie de celui du commun des mortels. En guise de représailles, Tamlin, Grand Seigneur de la Cour du Printemps, arrache Feyre à sa famille pour la séquestrer dans son château. De Cendrillon, on passe ainsi à la Belle et la Bête.

Feyre vit dès lors dans le luxe et l’ostentation, se remet à la peinture et laisse traîner ses oreilles partout, curieuse de comprendre ce que représentent ces mystérieux masques dorés – portés à contrecœur par Tamlin et sa Cour – et la malédiction qui y est rattachée, sur les traces d’une nouvelle guerre imminente entre les Fae et leurs anciens esclaves humains aujourd’hui affranchis. Qui est cette redoutable Amarantha qui semble détenir les réponses à toutes ces questions et fait trembler le monde à elle seule ?

Le pitch m’a assurément donné envie de parcourir ce titre. Les ressemblances avec diverses fables et même un soupçon du fameux Mur de Westeros n’en font pas de prime abord une œuvre fort originale, mais cela fait bien longtemps que cela ne suffit plus à me détourner d’un livre. En refermant la dernière page, j’ignore cependant qu’en penser.

L’héroïne Feyre n’est pas forcément des plus logiques et brillantes. Elle quitte un environnement hautement toxique pour s’en languir ensuivant. Qu’elle veuille renouer avec sa liberté, c’est tout à fait compréhensible, mais pourquoi insister pour retourner vivre aux côtés de cette famille qui la brimait et l’exploitait ? D’autant plus que Tamlin a usé de sa magie pour qu’ils ne manquent de rien en son absence… De même, une fois de retour dans le monde des mortels, elle est incapable d’en profiter, n’aspirant qu’à retourner auprès des Fae alors qu’elle se plaignait d’eux à longueur de temps quand elle y était. On nous la vend comme une héroïne forte et courageuse, alors que ses choix ne sont pas réfléchis. Pour son chevalier servant, elle se précipite dans des pièges mortels de son propre gré, sans plan ni équipement adapté, et semble s’étonner de vite perdre l’avantage, si tant est qu’elle en ait jamais eu un. Quand il s’agit d’agir pour elle-même, en revanche, elle part dans la direction opposée, se laisse malmener presque sans rien dire, autant par les siens que par les hommes, allant jusqu’à leur fournir des excuses pour atténuer leurs torts. Car oui, quand des Faes s’amusent à la mordre, la lécher, l’embrasser de force, la droguer pour l’exhiber comme un trophée et lui faire oublier toute résistance, on plonge sans cesse dans des agressions sexuelles en l’absence de tout consentement. L’univers s’apparente à de la medieval fantasy, on se doute bien que tout ne sera pas rose, le souci résidant dans le fait que l’autrice voudrait nous vendre ces scènes malaisantes pour de l’amour et du romantisme haut de gamme. On en revient au débat selon lequel – si Grey des « Cinquances Nuances » n’était pas si beau et si riche – on le qualifierait volontiers de prédateur. C’est un point qui fait très mal au vu de mes valeurs féministes.

Au fil des chapitres, d’autres incohérences s’enchaînent. Comment Tamlin peut-il accepter la mort d’un proche et traiter son assassin comme une reine ? Comment a-t-il pu si facilement se faire prendre au piège par Amarantha, lui supposé être si malin et puissant (impression confirmée par le dénouement) ? Comment Rhysand peut-il justifier ses gestes de torture physique et psychologique, ses actes immondes de prédation sexuelle, derrière une semi-excuse qu’il faudrait accepter au comptant ? Il nous faut près de 500 pages pour obtenir certaines réponses, qui ne sont toutefois guère plus convaincantes que la fameuse énigme d’Amarantha, d’une facilité et d’une naïveté impensables au vu des enjeux de la confrontation. Pour moi, une intrigue rondement menée doit nous guider par le bout du nez avec des informations incomplètes afin d’alimenter le suspense et le fil rouge de l’histoire, mais elle ne doit jamais nous laisser l’impression d’accumuler les plot holes pour au final distribuer des sparadraps à la dernière minute, comme pour tenter de reboucher tous les trous qu’on a laissés derrière. Je ne dis pas que cette histoire de Malédiction est mauvaise ou inintéressante, mais elle n’est à mes yeux pas assez travaillée ; elle est mal amenée, trébuche trop souvent, gênant la fluidité de l’ensemble.

Mention spéciale tout de même pour avoir introduit le fameux dilemme du tramway dans l’histoire, à savoir : est-il moralement acceptable de sacrifier une personne si cela permet d’en sauver plusieurs ?

J’ai beaucoup aimé la voix de Shirley Coquaire, lectrice de la version audio. Nasale et chaude, elle s’est révélée originale et très expressive. Je déplore seulement les timbres pris pour faire parler les monstres comme le puca, des voix de sorcière de livres pour enfants, qui m’ont fait sortir de l’histoire tant ça brisait l’atmosphère sombre et sérieuse du bouquin.

En résumé, ce livre possède selon moi un certain potentiel. On sent les efforts de Sarah J. Maas pour nuancer ses personnages (qui restent malgré tout très stéréotypés) et revisiter des contes populaires selon les codes actuels, mais le worldbuilding est très insuffisant. À part ces deux mondes séparés par un mur et par des siècles de guerre et de servitude, les Cours des Fae correspondant à chaque saison et un invisible roi d’Hybern quelque part au loin, on ne sait rien de la géopolitique de Prythian, du côté des humains comme de celui des immortels. L’univers aurait pu être captivant s’il avait été davantage creusé, et surtout, s’il n’avait pas sombré dans une masculinité toxique aussi flagrante. L’ébauche d’un triangle amoureux n’est pas non plus des attractifs, laissant présager facilement de la suite comme il a été facile d’anticiper l’issue des épreuves subies par Feyre.

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